La Gazette On Line
N° Spécial : Grosboeuf - 06 Décembre 1998
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Nouveau ! : mise à jour du 03 Janvier 1999
A toute chose, malheur est bon. Nous profitons donc de la trêve hivernale pour vous faire parvenir un peu de lecture en attendant la «vraie» gazette Melbourne début janvier. Vous trouverez en page 2 et 3 de nombreux détails sur l’accident survenu sur le circuit australien ainsi qu’une interview exclusive d’Alphonse Grosbœuf sur son lit d’hôpital. Ci-dessous, nous vous invitons à vous plonger dans un document top secret sur lequel nous avons mis la main, uniquement destiné au Conseil dirigeant de la Fédération IAF. Lisez attentivement ce document qui risque d’être d’actualité début janvier. La gazette IAF, le seul journal a tenir réellement ses lecteurs informés!
Exclusif ! un scandale incroyable !
Nos talents de fureteurs nous ont permis de tomber sur un fax ultra-secret adressé par l’un des commissaires officiels de la Fédération à l’ensemble de ses collègues. Nous vous en révélons le contenu in extenso. Quant aux réponses, il semblerait que les commissaires n’aient pas encore réagi, mais comme vous le constaterez dans ce document explosif, tout semble indiquer que la question sera mise sur le tapis lors du Grand Prix du Brésil à Interlagos début janvier.
L'interview sur le lit d'hopital
En exclusivité, Alphonse Grosboeuf a accepté de nous recevoir dans sa chambre d’hôpital. Le récit de notre envoyé spécial, Jean Nébavet.
 Les réactions "around the world"
Dès l’annonce à la télévision de l’accident d’Alphonse Grosbœuf, réactions et messages de sympathie sont arrivés des quatre coins du monde, pendant que les journalistes se ruaient sur leurs claviers. Petit florilège.
*
Flash Spécial :
On vient de l'apprendre, Alphonse Grosboeuf vient de sortir violamment de piste cet après-midi à Melbourne, Australie.
Alors qu'il se battait en tête de la course avec Magic Titi, le véloce français percutait le rail de sécurité à 300 km/h, traversait la piste et finissait sur le bas côté. La Malowin BBM prenait feu moins de 15 secondes après alors que les premiers commisaires s'approchaient pour porter assistance au pilote inerte.
Brèves :
le flash de l'hopital de Melbourne :
"Le patient a été immédiatement sédaté, ventilé et perfusé. Il est arrivée environ 2h45 après l'accident dans notre service de réanimation. Il est sorti d'un coma léger environ une heure après son arrivée au service des urgences. Ses fonctions vitales sont intactes, ses jours ne sont plus en danger. Néanmoins, nous avons répertorié 23 fractures, dont 4 ouvertes et 9 aux jambes ; il souffre par ailleurs d'un léger trauma cranien, de multiples contusions et il devrait dores et déjà passer en soins intensifs d'ici à ce soir. Il faut noter que sans le baquet de son bolide et sans sa tenue de protection, on aurait eu qu'à ramasser les morceaux ..."
Dr Hillbeback
le communiqué de l'écurie Malowin :
Nous n'avons pour le moment aucun commentaire officiel de l'écurie mais notre envoyée spéciale, Jenny Croapa a réussi à obtenir une réaction de l'un des ingénieurs motoristes de BBM :
"La voiture était bien, le moteur nickel, tenait ses promesses, la durée de vie des pièces étaient prévues à la minute près, on avait même une marge de sécurité : 4 moteurs pour 3 tours, tout allait bien. A cet endroit de la piste, dans cette ligne droite qui se prend pas en pleine charge, la mécanique peut normalement souffler avant la ligne droite à 14. La boite de vitesse a laché, comme ça, sans raisons, la chienne ! de 6ème à 5ème, c'était pourtant pas compliqué ! On attend les débris pour comprendre, mais on pense que c'est la rotule de roulement extérieur secondaire qui aurait cassé et bloqué le socket 5 qui fait partie des 59 pièces qui ne sont pas fabriquées maison (sur les 17283 pièces qui constituent le V12 BBM. NDLR)… Mais, bon, tout ça c'est de la littérature, on est surtout inquiet pour Al... Phonse. Evidemment."
Les témoins :

"Ca faisait bien 7 ou 8 tours que la Malowin et la Topnaz se battaient, on en avait presque oublié les poursuivants ;
Magic Titi est passé en tête comme une flèche, son moteur faisait un drôle de bruit, alors mes potes et moi (Bill, Oscar et Moe) on s'est dit que le français allait le passer sous nos yeux. On l'a vu arriver encore plus vite, comme s'il n'avait pas l'intention de ralentir, j'me suis même dit "il a des couilles le frenchie", pardon, et là, tout droit et le choc, j'en ai encore les os qui tremblent. J'me rappelle, quelques micro secondes avant le choc, j'ai clairement vu le casque faire non de la tête. Après ça a été interminable, les commissaires se sont précipités autour de la voiture, enfin, on aurait dit une cannette de fosters piétinée (rapport à la couleur bleue des Malowin, vous savez), et elle a pris feu comme ces trucs qui servent à allumer les barbecues, vous savez, les machins trucs, là : ça a fait WOUF ! ah làlà, on en a eu pour notre argent …"
Lawrence V., spectateur

"On l'a chargé dans l'hélico aussi vite qu'on a pu, mais l'un des premiers médecins à être sur place à vomi, alors ça a pris un peu plus de temps. Pendant tout le trajet jusqu'à l'hopital, c'était surréaliste, il était en coma et je lui tenait la main en lui parlant, je lui disait de s'accrocher, de ne pas lacher prise et lui il me répondait en m'écrasant la main "je vais l'avoir, je le lache pas, ca va passer, ca va passer ! j'suis bon là !". Ce type, dans le coma, flirtant avec la mort continuait à se croire sur la piste ! ah ces pilotes !"
Clara C., infirmière

"j'étais VRAAAAOUUUUMMMui aurait jamai VRROOAARRa dans leVRRRRRRCAVAGROB?APPELLEMOI!AAAAOOOOue. IncroyVRROOUUMMiste ? et là VROOAARRlle ! Je fonce auVRROOOAAAARRRment, ilVRRROOAARRet voilà !"
Jerry A., commissaire de piste

"Affreux, yé souis très inquiet por Alphons, y'espère qu'il va sé réméttre vite et bièn, car c'est oun grand pilote. Cette catastrophe va réméttre sour lé tapis les responsabilité dé la fédérationne. Il faut révoir les régles : lé lévier dé vitesse, lé pace car et tout ça. Ah làlà, pauvré Alphons !"
Jim Bambra, pilote essayeur de l'écurie Manga O Saté

 

Grob', en sixième, accélère. Il a à ce moment une chance de passer Magic Titi qui est lui-même en délicatesse avec son moteur et qui vient de jouer juste avant lui.
before
Grob' passe la 5e pour profiter du surrégime du V12 BBM, mais la boite de vitesse reste bloquée en 6, il percute le rail à 300 km/h et traverse la piste. la voiture s'enflamme.
after
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Chers collègues et amis, Cher Président,

Je profite de la trêve dans le championnat du monde pour vous faire part d’un problème assez conséquent suite aux événements survenus à Melbourne.
Ayant été contacté dernièrement par la direction de l’écurie Malowin sur un point de règlement, je me suis replongé dans les textes officiels et j’ai été bien obligé de reconnaître qu’ils ont soulevé un sacré lièvre. Pour la bonne tenue de notre championnat, j’ai pris l’initiative de leur demander de ne pas mentionner cette affaire à la presse avant que nous ne prenions une décision officielle, ce qu’ils ont accepté.
Petit rappel des faits: lors du 19ème tour du grand prix de Melbourne, nous avons décidé à l’unanimité de sanctionner le pilote français Alphonse Grosbœuf, coupable d’un oubli dans ses vitesses, en utilisant nos systèmes de radioguidage ultra perfectionnés. Nous avons donc bloqué son levier en sixième –comme nous l’avions fait lors de la course précédente pour Jessie Farr-Jones–, ce qui a eu comme lourde conséquence l’abandon et la blessure du pilote.
Devant le désastre pour leur écurie, les Anglais ont mandaté leurs meilleurs juristes afin de se plonger dans le règlement. J’en ai fait de même et voici ce qu’il en ressort.
w Le règlement en vigueur pour la saison 98-99 est celui de l’an dernier plus les modifications votées en début de saison et rapportées par notre président Lord Hinateur dans le magazine Sunday Racing News n°4, magazine que vous devez tous avoir en votre possession.
w Après lecture de ce règlement, il apparaît que si la fameuse règle dite “mauvais levier, vitesse précédente à jouer” figure dans le paragraphe “Essais”, il n’est fait mention nulle part de la validité de cette règle pour la course.
w Vous n’êtes pas sans vous rappeler que la séance qui a donné lieu au vote des nouvelles règles a été particulièrement houleuse et que pour éviter tout problème, notre président Lord Hinateur a pris un soin extrême dans la rédaction de cet addenda. Sa probité n’étant en aucune façon mise en cause, la seule conclusion logique est que lors du vote, si nous avons accepté cette règle pour les essais afin d’éviter les litiges de l’an passé, nous l’avons aussi refusée pour la course, sinon il en aurait été fait mention. Il semble donc bien que nous ayons fait une belle boulette…
Je pense qu’il n’y a pas besoin de vous faire un dessin de la tête de Grosbœuf lorsque sa direction lui a fait part du problème, mais Malowin semble montrer dans l’affaire tout l’étendue du fair-play et du pragmatisme anglais, comme vous pourrez le constater dans l’extrait du courrier qu’ils m’ont adressé:
«(…) bien évidemment, nous avons tout d’abord songé à demander à la Fédération l’annulation pure et simple du résultat de la course, ou la possibilité de la recourir. (…) Cependant, comme Jessie Farr-Jones a été victime de la même erreur, il aurait été logique d’étendre cela au grand prix précédent et le championnat aurait pris un grand coup dans la figure. (…) Irréalisable. (…) Après concertation avec nos pilotes, nous avons donc décidé de ne pas faire appel de la décision des commissaires mais, plutôt, de demander à la Fédération de reconnaître son erreur et de compenser l’évident manque à gagner par des mesures exceptionnelles. (…) Voici donc notre position. Nous acceptons d’entériner le résultat de la course de Melbourne et demandons à la Fédération de dépêcher auprès de notre pilote blessé le chirurgien officiel de la Fédération, lui seul étant capable de soigner Grosbœuf suffisamment rapidement pour qu’il soit en état de prendre le départ du Grand Prix du Brésil. Ainsi, l’erreur de règlement ne pénaliserait pas notre pilote pour un Grand Prix supplémentaire! A défaut, si Alphonse ne pouvait pas courir au Brésil, nous sommes prêt à étudier la possibilité de faire inscrire les éventuels points au Brésil de Tryphon Tupolev (son remplaçant) au total d’Alphonse. Il va sans dire que la première possibilité nous semble bien meilleure (…)»
Personnellement, je dois préciser que la proposition de l’écurie anglaise me semble raisonnable et a le mérite de ménager la chèvre et le chou pour permettre d’oublier au plus vite ce triste événement.
Pour conclure, je prends l’initiative de vous faire parvenir ce document pendant la trêve pour que nous puissions tous y réfléchir à tête reposée et statuer début janvier sans en discuter pendant des heures.

 Madame, Messieurs, Président, je vous souhaite à tous de joyeuses fêtes!
 

     Jean Fons-Leclou,
     Commissaire Délégué au Haut-Conseil de la Fédération

La voiture de Grosbœuf sabotée?

Nous le tenons d’un de nos confrères. Suite aux récents événements (voir nos éditions précédentes) ayant touché les écuries Cars ‘N Roses et Desperados par l’intermédiaire de leurs pilotes Sam Hu et Pachacutec, quelques observateurs n’ont pu manquer de songer à un coup des Sud-Américains. Après les rumeurs de représailles dont aurait été victime Jean Nébavet, il est en effet difficile de ne penser à une coïncidence lorsque l’on connaît les liens d’amitiés de longue date entre Nébavet et Grosbœuf. Faut-il rappeler que si Nébavet à pu débuter dans le formidable métier qui est le sien et approcher les pilotes, c’est parce que Grosbœuf lui a ouvert les portes d’habitude très fermées des paddocks? Contacté par téléphone, Rascal Atac, manager général de Desperados, a énergiquement nié toute participation de Desperados à cette sinistre affaire et assuré Grosbœuf de toute sa sympathie. Et effectivement, la piste semble confuse puisque l’on sait de source sûre que Pachacutec, Pancho Villa et Alphonse Grosbœuf avaient employé les jours précédant la course à s’entraîner ensemble. Les Latinos ne font pas dans la dentelle, mais quand même… En tout cas, l’écurie Malowin aurait engagé un détective privé pour tirer cette affaire au clair.
        Formule Dé Libéré,
        édition du 14/12/98
 
 

Hi Alphonse, je t’envoie tous mes voeux de prompt rétablissement. Finalement, t’as de la chance de te retrouver entouré de ravissantes infirmières te prodiguant des petits soins comme ceux que je te souhaite. J’ai bien senti que cette nouvelle a terriblement choqué le monde de Formule Dé, nous rappelant à tous que cette discipline reste encore bien périlleuse. Je réclame à l’APFD une infrastructure sur les circuits plus rigoureuse afin de préserver la sécurité des pilotes. Rod Runner à parlé!
 

L’Association des Pilotes de Formule Dé (APFD) tient à présenter ses souhaits de rétablissement les plus prompts à Alphonse Grosbœuf, la victime du tragique accident de ce week-end.Qu’il passe une année 1999 pleine de réconfort, en espérant le revoir sur les pistes... ou dans les paddocks prochainement.
 

Alphonse Grosbœuf tient aussi à remercier Zob Power, Speedball, AL1, Mad Mac’s et Gopal Beram pour leurs messages de soutien
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*
–Alphonse, mon ami, je suis heureux de te voir entier, enfin si je puis dire. Même à la télé, tu m’as flanqué une sacré frousse… Y’a pas une odeur bizarre dans ta chambre?
(pour des raisons techniques de place dans la gazette, les réponses d’Alphonse Grosbœuf sont retranscrites intelligiblement et non telles quelles)
–Jean, ça fait plaisir un peu de visite. Non, c’est rien, c’est Mark qui m’a fait envoyer une panse de brebis farcie, un plat de sa région. Y parait que je me remettrais plus vite en mangeant ça. Moi j’ai du mal, mais Birgit et Frieda ont l’air d’aimer ça…
–Birgit et Frieda?
–Mes infirmières… Ce sont de vieilles amies d’Alf Nielsen qu’il s’est dépêché de m’envoyer. Elles font un super boulot, je les adore.
–Et ce gros tas dans le coin de la pièce?
–Ah, ça ce sont les cadeaux que j’ai reçu, je les ai fait poser là en attendant de pouvoir bouger au moins un bras pour les déballer. C’est sympa, tout le monde a pensé à moi… Je sais que c’est pas bien, mais on m’a déjà dit ce qu’il y avait dans certains paquets.
–Alors?…
–Oh ben un peu de tout. Scott m’a envoyé un circuit 24, Topnaz m’a fait livrer des boîtes de chocolat belge mais j’y ai pas droit et de toute façon je peux pas encore mâcher ni déglutir. Pareil pour les filets d’agrumes des plantations d’Orange Mécanique, j’ai peur qu’elles pourrissent, sers-toi si tu veux… Sinon, Sam m’a envoyé des clochettes tibétaines et un moulin à prière, et puis t’as du voir le bonze devant la porte, y parait que c’est contre les mauvaises réincarnations. Y’a aussi Pancho et Pacha qui m’ont envoyé quelques uns de leurs plus beaux cactus et même Don Desperado qui m’a fait poster une photo dédicacée de Nicky Lauda, mon idole… Non, non! Pas le placard! Birgit a déjà eu un mal fou à fermer après avoir rangé le courrier de mes admiratrices…
–Bon, on revient un peu sur la course si ça t’ennuie pas? J’imagine que tu es un peu triste, pour pas dire plus…
–Triste? Ca va pas non? Je morfle le muret à 300 à l’heure, je peux encore cligner de la paupière gauche et je devrais être triste? Tu plaisantes j’espère… Non, je suis même heureux pour Alf. Moi, je me fais une raison, on est des professionnels, on connaît les risques. Je sais que ça peut arriver à n’importe qui n’importe quand, c’est la rançon de la gloire. Faut être philosophe…
–Oui, j’imagine qu’il vaut mieux, en effet… Tu peux raconter à nos lecteurs ce qui t’est arrivé?
–Je sais pas. J’ai encore un voile noir sur certains moments, je mélange un peu. C’était dans la dernière ligne droite, j’avais presque une minute d’avance sur Alf, alors deuxième, et tout d’un coup boum! En pleine réaccélération. J’ai essayé de garder le contrôle pour passer la ligne quand même mais rien à faire. On m’a dit après qu’Alf avait gagné, c’est mérité. Dommage pour le doublé…
Alphonse se rendort et nous décidons de le laisser se reposer un peu. (Non Jean-Claude, pas de photo pendant qu’il dort avec cette tête-là, c’est un ami quand même… ne l’oublions pas). Deux heures plus tard, il tente de bouger un bras dans son sommeil, la douleur le réveille en sursaut. Birgit lui injecte à la hâte un cocktail infernal à base de morphine tandis que Frieda, légèrement essoufflée, réapparaît en compagnie de notre photographe. Encore une petite heure à baver sur les couvertures et notre pilote préféré va beaucoup mieux, nous pouvons reprendre l’interview (nous, c’est Jean-Claude, notre play-boy de photographe, et moi).
–Alphy, ça va mieux? On peut reprendre?
–Mmmm... (gargl)
–Bon, tu t’apprêtais à nous raconter ce qui s’est passé. C’est Magic qui t’a fait ça? Tu nous le dirais hein... Promis on l’imprime pas, mais si c’est lui, tu peux nous dire, on s’occupera de son cas. On peut toujours faire passer un papier ordurier même si c’est pas vrai, ce serait pas la première fois…
–Magic? Ben pourquoi Magic? J’étais tout seul sur la piste pendant la séance d’essais…
–Non non mon ami, on parle pas des essais, on parle de la course là…
–La course? Quelle course? C’te saloperie de Hungaroring? C’était horrible ce calage d’Alf, j’crois bien que j’vais mettre du temps à m’en remettre…
–Mais non, Melbourne, Australie!
–Aaaaah... Ben je vous dirais ça demain. Là j’ai un peu mal au dos, mais j’espère que ça sera guéri demain matin et que je pourrais prendre le départ normalement… en pole… comme d’hab’.
Nous décidons de laisser Alphonse se reposer encore un peu et le laissons entre les mains expertes de Birgit. Nous sortons bavarder un peu avec Frieda le temps qu’il se remette… Lorsque nous revenons, l’heure des visites est passée, nous décidons de retourner dans le centre-ville de Melbourne faire une virée en boîte avec Frieda et de revenir le lendemain matin. 
Je propose à Birgit de nous rejoindre après parce que le Jean-Claude y commence à sérieusement gonfler mais il faut qu’elle reste toute la nuit au chevet du malade. Tant pis, je boirais.
Le lendemain matin
–Alors mon Alphonse, bien dormi? On peut reprendre? Alors… Cet accident?
–Mmm. Ben en fait, tout allait bien. On avait encore une fois échafaudé des plans incroyables pour cette course et tout fonctionnait à merveille, je m’étais rarement senti aussi confiant au volant d’une Formule Dé. Quand Magic m’a fait le coup de griller les stands, je m’y attendais pas mais j’ai pas eu peur, je savais que je reviendrais. Et c’est ce qui s’est passé. Après, j’ai suivi la tactique établie et j’ai attendu la mi-course pour mettre les gaz et attaquer Magic avec un rapport de plus. Je savais que ça le forcerait à tenter des coups difficiles, c’était bon pour moi. Et ça a encore marché! Putain c’était mon jour… Au mieux je lui mettais 10” avant le dernier ravitaillement, au pire on passait ensemble mais nos stands étaient mieux placés et on a les meilleurs mécanos du monde. Ca me mettait en super position pour le dernier tour. Enfin c’est vrai qu’avec des si, n’importe qui peut gagner une course, mais bon… Et puis là, incroyable, la boîte de vitesse qui se bloque en six alors que je tente de rétrograder en cinq. J’aurais pu me sortir volontairement sans bobo à ce moment-là mais j’ai préféré essayer de la décoincer. Alors j’ai stabilisé le volant avec les genoux pour être sûr de tirer tout droit et j’ai commencé à trifouiller la boîte. Mais là j’ai rippé sur le levier et j’ai les genoux qui ont glissé. En plus, j’étais tellement crispé que j’ai même pas remarqué que j’avais laissé le pied à fond sur le champignon. Alors évidemment, quand on additionne, ben ça donne un trou dans le muret…
–Aah, ça me rassure, on m’avait parlé un instant d’événements plus inquiétants…
–Ben aussi, mais ça je comprends pas trop. J’en avais parlé y’a longtemps avec Jessie qui m’avait dit d’aller voir une de ses connaissances à Haïti. D’après cet éminent personnage, nos voitures seraient maudites…
–Maudites?
–Mouaif, ou un truc dans le genre, un lord anglais mort assassiné dans son château, depuis racheté par l’écurie, et dont le fantôme hanterait de temps en temps nos baquets. Moi ça m’fait pas peur, j’le prend quand y veut sur un tour d’essais le fantôme, même avec des pneus durs, mais quand même y’a des éléments qui nous font douter…
–Ah? Tu peux nous en dire plus?
–Ben déjà, quand je suis arrivé dans l’écurie, Ramon Diaz j’avais jamais vu quelqu’un aussi heureux de refourguer son baquet à un autre! Alors qu’en plus y se retrouvait sans volant pour la saison, le pauvre bougre. Y m’a passé la Malowin et puis il a filé sans demander son reste, tout blanc, en marmonnant des trucs incompréhensibles avec des histoires de Sainte-Vierge. Ensuite, Trackzard m’avait averti que dès fois, il entendait une petite voix doucereuse lui susurrer des trucs incroyablement difficile d’y résister, comme “Allez, Track’, mon ami, passe la 6 quoi…” Ca l’a fait sortir un paquet de fois de la piste l’an dernier. Moi, je suis pas sûr de la première expérience parce qu’avec le comportement imprévisible du moteur Malowin en course, je me demande si c’était toujours vraiment naturel. Mais sinon, la première fois où je suis sûr, c’est à Silverstone l’an passé. Déjà au moment où je pars en tête-à-queue, j’avais plus rien dans le volant, tout mou! Je décidais plus de rien, incroyable! Et puis là je débraye, je passe la première et j’entends un grand rire sardonique dans mon casque, à donner des frissons. Ca s’était à peine arrêté que tout le système électrique de la voiture avait grillé.
–En effet, c’est étrange…
–N’est-ce pas. Et puis y’a deux semaines, Alf m’a dit que lui aussi il avait entendu le ricanement à Budapest. Et ça a fini pareil. Système électrique grillé.
–Mais vous n’avez jamais rien fait?
–Ah ben si, pour ça c’est réglé. Maintenant, on court avec des boules quiès. Comme ça, le ricanement on l’emmerde…
–Et cette fois-ci, qu’est-ce qui s’est passé?
–Ben après avoir rippé sur le levier, j’ai quand même eu le temps de relever la tête et là, sur le nouveau tableau de bord tout informatisé qu’on a, plus rien de normal! Y’avait juste “CHARGEEEEEEZ!!!!” qui clignotait en rouge. J’me souviens que j’ai fait “non non non” de la tête, j’sais pas trop pourquoi, et puis la voiture a piqué vers le muret. Voilà.
–Et vous allez faire quoi maintenant?
–Ben pour le moment, je me sens plus vraiment concerné hein? Mais c’est un coup dur, ça veut dire que les gousses d’ail n’ont servi à rien et que mettre un pistolet avec des balles d’argent dans le vide poche
c’est pas utile non plus. Le copain de Jessie nous a donné tout un rituel, mais c’est à faire pile au moment de la manifestation spirituelle et y faut commencer par allumer des bougies avant de danser autour. On a essayé en essais privés, on y arrive jusqu’en 3e. Après c’est trop dur. Sinon, on attend des news de Trackzard. Il est reparti dans les Caraïbes pour trouver un remède, je sais juste qu’il débutait chez Santa qui devait lui fournir un guide. Mais depuis 2 mois, plus de nouvelles…
–Bon, on change un peu de sujet, l’avenir pour Grosbœuf, c’est quoi maintenant?
–Ben dès que possible je rentre en Angleterre où nos médecins s’occuperont de me remettre sur pied au plus vite, ensuite ça sera un peu de chirurgie esthétique. Ca annule presque la totalité de mon programme sud-américain hivernal. Je ne pourrais pas honorer mon invitation au grand prix de gala à Lima pour l’inauguration du GP du Pérou, bien malheureusement, ensuite je raterais la course d’Interlagos et si tout se passe comme prévu, la plupart de mes fractures devraient être réduites pour le Mexique. Tryphon Tupolev prendra ma relève comme convenu en cas de pépin, j’ai confiance en lui c’est de la bonne graine; et pour Lima, notre représentant en FD3000, le jeune Turinois Alessandro Delle Aspi, se fera un plaisir de me remplacer dans le prototype BBM. Ensuite, je ne sais pas encore. Ce qui est sûr, c’est que ça m’aura fait cogiter. Là, je me suis fait la frayeur de ma carrière et surtout j’ai flanqué la pétoche à ma femme et à mes proches, ça c’est dur. Alors je relativise: est-ce bien raisonnable de mettre les siens à l’épreuve juste pour essayer de devenir champion du monde? Je verrais si je retrouve de bonnes sensations au volant au Mexique. Si oui, je continuerais la saison relax, sans complexe et sans trop me fixer d’objectifs, pour le plaisir quoi. Ca sera le plus important. Par contre, si j’éprouve moins de plaisir ou que j’ai du mal à tenir le coup physiquement, on avisera. Ca sera peut-être le bon moment pour laisser la place à un jeune comme Tryphon… P’tet que j’prendrais des parts dans un club de foot si je m’ennuie –j’ai d’ailleurs été contacté pour monter la section F.Dé du PSG–, ou des responsabilités dans le staff technique Malowin, sans oublier mes actions chez BBM bien sûr. Mais bon, on en est pas encore là hein? M’enterrez pas trop vite quand même. En tout cas, ce qui est sûr, maintenant, le titre je m’en fous, je fais une croix dessus, je suis devenu plus sage.
–T’as pas trop peur qu’on te traite de poule mouillée?
–J’ai déjà une réputation de pilote agressif, ça serait quand même un comble! Y diront ce qu’ils voudront, moi je boirais des margaritas au soleil. (Alphonse essaie de rire et se fendille une côte). Aïe aïe... Non, j’ai pas peur de ce qu’on dira; tu sais, y’a deux catégories de pilotes, ceux qui me respectent et ceux qui ont peur de moi. Les premiers diront jamais ça et les autres prendront pas le risque de me faire revenir en me provoquant…!
–Pour finir, on parle un peu des conditions de course? Ton accident met au grand jour les dangers de la Formule Dé et les questions de sécurité des pilotes…
–Oui, comme l’a écrit Rod Runner, il va falloir être plus rigoureux. Mettre des murets en béton armé à Melbourne dans un passage où on arrive lancés en sixième, ça n’a de sérieux que le choc qui s’ensuit! Les officiels ont dit à l’écurie qu’initialement ils avaient aussi mis des piles de pneus mais qu’ils avaient été volés peu avant le grand prix, probablement par une des communautés aborigènes qui vivent en situation d’extrême pauvreté. Quand même… Je songe sérieusement à profiter de mes contacts et de cette malheureuse expérience pour monter un syndicat de pilotes. On lutterait contre les règlements stupides jusqu’au bout, quitte à faire grève s’il le faut. Il faut quand même que le grand public sache que les nouveaux règlements sont entérinés chaque année au sein de la Fédération par des gens qui n’ont jamais mis les fesses dans un baquet. Ils sont plus occupés à compter leurs dividendes qu’à prendre soin de notre sécurité. Ils veulent juste plus de spectacle pour plus de retombées en droits télé… Ensuite on parlera du dopage. Trop de pilotes sont morts jeunes après avoir arrêté leur carrière.
Le Dr Hillbeback interrompt notre conversation en entrant dans la chambre.
–Hello mister Grosbœuf, comment ça va today? Bon, mister journaliste, désolé but notre ami doit laisser vous, it’s bloc-opératoire time. Today, on s’occupe du avant-bras droit, and if nous réussir extraire rapidement derniers pignons de boîte de vitesse, on enchaînera with jambe gauche. Ok mister frenchie? Let’s go… Aaaah, c’est pas tomorrow que vous reprendrez Australian Football…

NB: La rédaction tient à préciser que cette interview à eu lieu avant que le pilote français ne soit mis au courant des problèmes de règlement.
 

*
Dernière minute ! 
Nous venons d’apprendre que la course de gala organisée à Cuzco sur le tout nouveau tracé du Grand Prix du Pérou a bien eu lieu. En espérant un compte rendu plus long des journalistes péruviens, nous pouvons vous informer des résultats de cette course qui réunissait 6 écuries: PVC (Pancho Villa et Fongio), Manga O Sate (Alf Nielsen et Gopal Beram), BBM (T. Tupolev et A. Delle Aspi), Ligier (Pedro Tequila et Karim de Savoie), OCB (Tchitchi Moreno et Walter Yellowman) et Heineken (Pachacutec et Buzz Tarped). Au terme d’une course très longue (3h30 juste pour le 1er tour!) et très cassante (7 abandons), Allessandro Delle Aspi l’a emporté, offrant du même coup le trophée constructeurs à BBM, seule écurie dont les 2 pilotes auront rallié l’arrivée.

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